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ANIMAL
Témoignage d'un malaise fascinant

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Nous sommes un vendredi soir, la météo n’est pas fameuse et je suis seul chez moi. Je suis sur une énième plateforme de streaming en quête d’un film à regarder, perdu entre un film d’auteur tchèque et le dernier Gerard Butler (les plateformes, quel monde merveilleux). Et puis, je me rappelle avoir entendu parler d’un film indien… Un film polémique, qui a attiré l’attention de nombreux médias et critiques, et qui a cartonné. Un film auquel on a reproché sa violence et sa misogynie, et qui a pourtant décroché 5 Filmfare Awards. En me baladant quelques minutes sur Reddit, je vois des avis pour le moins polarisés, allant de ceux qui voient dans ce film une des pires productions qu’il leur ait été donné de voir, à ceux qui le considèrent non plus comme un film, mais comme un véritable totem. Habité par une curiosité à la fois morbide et sincère, je m’installe donc, cherche le film, le trouve sans aucune difficulté, et le lance. Et là, pendant 3h20, je fais face à Animal.

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En me permettant cette introduction un peu personnelle, je me permets ainsi de présenter cette critique non pas seulement comme une analyse, mais également comme un témoignage.

 

Alors Animal, c’est quoi ? Il s’agit d’un film dramatique indien tourné en hindi sorti en 2023 pour un budget de 100 crore, soit environ 11 millions d’euros. Il est réalisé par Sandeep Reddy Vanga (sur qui nous reviendrons dans un second temps) et compte plusieurs gros noms du cinéma indien à son casting : Ranbir Kapoor, Bobby Deol, Anil Kapoor, Triptii Dimri… Le film a été un véritable raz-de-marée, rapportant 917.82 crore, soit environ 102 millions d’euros, et décrochant plusieurs Filmfare Awards, l’équivalent des Oscars en Inde, dont celui de meilleur acteur.

 

Il narre l’histoire de Ranvijay, fils d’un riche industriel basé à Delhi, qui entretient une relation compliquée avec son père. Après une enfance pour le moins tumultueuse et un séjour aux Etats-Unis, il revient enfin auprès de sa famille et, suite à une tentative d’assassinat contre son père, décide de se venger. Il s’agit du troisième film du réalisateur, qui avait déjà réalisé Arjun Reddy en 2017, et son remake hindi Kabir Singh en 2019. Animal est en développement depuis 2019, et est produit par le frère du réalisateur : Pranay Reddy Vanga.

 

Commençons par l’évidence : rien ne peut vous préparer au visionnage d’Animal. Il s’agit d’une expérience unique, au mieux intrigante et au pire véritablement préoccupante. Afin de comprendre en quoi, il faut revenir sur le réalisateur.

Sandeep Reddy Vanga réalise Arjun Reddy en 2017, film qui connaît un succès notable et qui plante déjà les graines qui écloront dans Animal 6 ans plus tard. On y retrouve la présence d’un “mâle alpha”, en proie à des excès de colère, qui se comporte de façon extrêmement désagréable avec chaque personnage autour de lui, en particulier les femmes (on peut penser à ces scènes au début du film dans lesquelles le héros empêche ses camarades de classe de parler à une jeune fille pour la garder pour lui-même). On peut surtout y observer une prédominance de la violence et de la domination dans les relations. Ces éléments sont présentés comme étant positifs, voire comme la seule façon de faire éclore l’amour et l’affection (il est intéressant de savoir que le prénom Arjun fascine le réalisateur, qui va y accoler son propre nom de famille pour donner son prénom au héros du film. Je pense pouvoir affirmer qu’il s’agit d’une projection personnelle). Et cette idée continuera de germer dans Kabir Singh, 2 ans plus tard, qui va devenir un énorme succès (encore aujourd’hui le plus gros succès de la carrière de Shahid Kapoor), avant de finalement arriver à maturation dans Animal.

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Dominant (?)

Dans Animal, nous suivons donc Ranvijay. Dans la continuité des héros précédents de Vanga, c’est un homme en conflit paternel et sujet à de nombreux accès de colères. Mais là où, dans les films précédents, ces héros se conduisaient “seulement” de manière absolument détestable avec tout le monde, ici il va aller jusqu’à…apporter une Kalachnikov dans une salle de classe pour menacer les élèves qui ont causé du tort à sa sœur. Et tout le film se déroule dans cet éther créatif étrange où tous les rapports entre les êtres humains se déroulent de cette façon : par la violence exercée par un dominant sur un dominé. Cette idée trouve un premier acmé dans les 15 premières minutes, lorsque le héros s’adresse à sa future femme afin de lui expliquer (et de se présenter comme tel) ce qu’est un mâle alpha : fort, dominant, puissant… avant de la complimenter sur la taille de son pelvis, qui lui permettra “d’avoir des bébés en bonne santé”.


Il est utile de rappeler que cette théorie des “mâles alphas” a été plusieurs fois remise en question, voire réfutée, notamment par le biologiste américain David L. Mech en 1999 (Alpha Status, Dominance and Division of Labor in Wolf Packs) puis en 2003 (Wolves: Behavior, ecology and conservation). Il avance que la construction sociale chez les loups ne se base pas uniquement sur des rapports de domination, mais également sur la collaboration et l’entraide.

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Pauvre Triptii Dimri ...

Et toute la suite du film est dans le même esprit, notamment en ce qui concerne les personnages féminins. Les femmes ne sont là que pour être des objets de désir sexuel (le rôle de Triptii Dimri notamment, grand moment de malaise pour cette actrice que j’aime beaucoup), ou pour être des spectatrices du comportement ordurier et vulgaire de Ranvijay (la scène où le héros se balade entièrement nu dans son jardin, cigarette à la main, encouragé par ses cousins qui tirent avec leurs fusils en l’air, est un parfait exemple). Cette misogynie est d’autant plus glaçante quand on connaît la pensée du réalisateur, qui considère qu’Animal est une histoire d’amour. Mais dans cette histoire d’amour, les femmes ne peuvent être que soumises à leurs maris ou à d’autres hommes. Un exemple marquant de cet élément est le rapport entre Ranvijay et son beau-frère. Ce dernier, qui osera contester Ranvijay dans sa volonté de domination et de contrôle sur sa sœur, se révélera finalement être un traître.

Et si on replace cette hostilité ouverte vis-à-vis de la gent féminine dans son contexte de sortie en 2023, celui-ci prend un éclairage beaucoup plus sordide, celui de la résurgence du virilisme et de la masculinité toxique, amplifiée par les réseaux sociaux. En Inde, cette dynamique s’inscrit dans un paysage marqué par la montée du nationalisme conservateur, dans lequel les valeurs patriarcales traditionnelles sont remises en avant. Des mouvements comme le #MeToo indien  ont tenté de dénoncer le sexisme et les violences faites aux femmes (L’affaire Tanushree Dutta en 2018, les accusations contre Vikas Bahl en 2015…). Cependant, ils ont rencontré une résistance significative, révélant les tensions persistantes autour des questions de genre. Les réseaux sociaux sont devenus le terrain privilégié pour ces discours misogynes. Des figures comme Andrew Tate exploitent le sentiment d’insécurité de certains hommes face aux changements sociaux de la société, ils promeuvent un idéal masculin agressif et dominateur afin d’entrer en “résistance” (la fameuse idée de la “red pill”, très populaire dans ces milieux). Et ces idées se retrouvent donc extrêmement présentes dans Animal. Alors que certaines oeuvres récentes cherchent à déconstruire les stéréotypes de genre et à offrir des représentations plus nuancées des femmes - on peut penser à Thappad ou Thank you for coming, sortis respectivement en 2020 et 2023 - des films comme Animal se positionnent en véritables ennemis, réaffirmant des idéaux patriarcaux, glorifiant un héros hypermasculin, imposant sa volonté par la force.

 

Cependant, force est de constater que le cinéma indien a toujours été beaucoup plus décomplexé sur les héros masculins surpuissants et virils : on pense évidemment à la duologie KGF qui a relancé cette mode en grande pompe, à Léo, à Pushpa… (on pourrait remonter jusqu’aux traditions du Mahabharata et du Ramayana pour comprendre cet archétype du héros invincible qui affronte seul les forces du mal). Mais Animal se présente comme la réponse terminale à ces propositions. Et le contraste est d’autant plus frappant dans une industrie qui, la même année, a vu les sorties de Pathaan et Jawan, qui mettaient en avant des personnages féminins forts luttant à armes égales aux côtés des héros masculins (voire les surpassant par moments). Sans devenir les nouvelles Ellen Ripley, les personnages féminins offraient dans ces films une vision alternative de la dynamique du pouvoir, mettant en avant la collaboration et le respect mutuel. Dans Animal en revanche, il n’y a aucune place pour les femmes, et plus généralement aucune place pour les personnages autres que le héros masculin, seul maître à bord, et centre de l’univers du film. La diégèse est centrée exclusivement sur le masculin, et les autres individus n’existent que pour servir son développement ou souligner sa suprématie.

 

Cette incapacité du personnage à se remettre en question est pour moi une autre clé de lecture du film. Je pense qu’il est à ce moment-là utile de mettre en avant le fait que l’entreprise du père de Vijay se nomme “Svastik Steel” et que, suite à la tentative d’assassinat contre son père, Vijay doit faire un discours dans une des usines, devant une énorme svastika (hindou, donc dans l’autre sens…) autour de laquelle est écrit “Pouvoir, progrès, victoire”, en criant et en levant un bras. Sauf que le la mise en scène montre ça comme étant un cri de ralliement, un geste de puissance du héros.


Et je me permets donc de faire intervenir ici mon autre clé de lecture : Ayn Rand. Philosophe américaine née en 1905 en URSS extrêmement populaire aux Etats-Unis, à l’origine notamment de Atlas Shrugged (La Grève en France), elle est connue pour avoir théorisé le courant philosophique de l’objectivisme. Cette pensée est notamment caractérisée par l’idée que la poursuite de l’intérêt personnel et rationnel est la plus grande vertu possible. Selon elle, l’égoïsme personnel rationnel est la clé du progrès humain, tandis que l’altruisme et le collectivisme sont considérés comme des entraves à la liberté individuelle, et plus généralement à l’épanouissement de l’Homme. On retrouve par ailleurs dans ses romans la présence de personnages intransigeants, toujours en quête de leur perfection individuelle avant tout (la figure de John Galt dans La Grève, sorti en 1957, est la représentation même de cette idée, symbole de la résistance individuelle contre un système oppressif cherchant à exploiter le génie humain pour le bien collectif). Aujourd’hui encore, elle est une personnalité qui continue d’être débattue, adorée par certains et rejetée par d’autres. Et Animal cristallise une grande partie de cette pensée. Le personnage de Ranvijay peut être vu comme une incarnation extrême de l’individu randien, poussé par des idéaux personnels au mépris de toutes conséquences sur autrui, c’est un symbole de l’égoïsme rationnel comme prôné par Rand. Et le film devient véritablement problématique quand cet égoïsme entre en résonance avec la misogynie très forte qu’on y retrouve. La quête égoïste de Ranvijay se fait surtout au détriment des personnages féminins. Et le film donne raison à ça. Le héros n’est jamais remis en question, il est et sera toujours triomphant, symbole de puissance et de réussite. Cet élément trouvera son ultime confirmation dans la scène finale du film, dans laquelle Anil Kapoor, le père du héros, finit par lui pardonner tout ce qu’il a fait.

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Toute ressemblance serait fortuite

Cette validation du film atteint son pic lors de la scène juste avant l’entracte. Il s’agit d’une grande scène de combat, très violente, rythmée par les chants des personnages qui accompagnent le héros. On sait que le cinéma indien, surtout récemment, a su proposer des scènes d’action absolument dantesques et extrêmement galvanisantes : Jawan par exemple, où chaque scène est pensée comme une apogée à elle-seule, la trilogie du LCU de Lokesh Kanagaraj, où chaque film est une proposition d’action euphorisante et hallucinante, ou encore le récent Kill, dont l’ultra-violence n’a d’égale que la jubilation qu’elle provoque. Et donc cette scène d’action centrale transforme le héros en véritable animal : il est inarrêtable, et va massacrer, à lui seul, une petite centaine d’adversaires, armé d’une hache et d’un caleçon - le film insiste sur ce détail dans une scène de dialogue juste avant le combat. La scène se conclut sur une des armes les plus improbables qu’il m’ait été donné de voir sur un écran, à la démesure proportionnelle à la surcompensation qu’elle représente (il faut imaginer une version absurdement plus grande et destructrice de la mitrailleuse de KGF 2). Et il est difficile de nier l’aspect extrêmement galvanisant et efficace de la scène; pendant plusieurs minutes, Animal n’est plus ce pamphlet répugnant en faveur d’idéologies toxiques, mais devient (enfin ?) ce film bis très bête et amusant par sa violence (et ce même s’il est toutefois interrogeant de voir que la chanson qui rythme la scène, chantée par les hommes de main de Ranvijay, parle d’un certain Arjan, qui se trouve être un ancien général d’armée connu notamment pour avoir affronté un tigre seul avec une dague). Mais après cela, le héros se fait blesser. Il est hospitalisé et doit subir une greffe de cœur. Un élément important, pensez-vous ? Que nenni ! La priorité de Ranvijay est ailleurs : il a une sonde dans le pénis ! Là est le véritable problème : on a osé porté atteinte à sa virilité ! Quoi de plus insupportable pour ce parangon de masculinité qu’une atteinte à cet emblème sacré ? Encore une fois, le centre de l’attention est le mâle et sa virilité, qui ne peut et ne doit être ébranlée d’aucune façon. Et en y réfléchissant, toute la scène d’action un brin sympathique qui précède ce passage hallucinant tourne autour de cela : la musique qui rythme le tout, l’énorme canon de fin, l’insistance sur le caleçon, jusqu’à un des premiers coups que porte Ranvijay : un tir de fusil dans les parties génitales d’un de ses ennemis. Le personnage ne pense et ne tourne qu’autour de cet élément; il n’est plus masculin, il devient une incarnation d’un fantasme de masculinité absolue et totale.

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Plus grand j'ai dit !

Mais si on parvient à faire abstraction de ces idées, reste-t-il quelque chose ? Après tout, ce ne serait clairement pas le premier film à présenter un personnage extrêmement viril déchaînant sa violence, entouré de personnages féminins relégués au second plan (encore une fois, je suis un immense fan du cinéma de Lokesh Kanagaraj, qui n’est pas innocent sur le sujet). La grande différence est qu’ici, le film n’a pas grand chose d’autre que son immense appel du pied à ces idées-là. La photographie, assurée par Amit Roy (qui a également travaillé sur plusieurs films de Ram Gopal Varma, dont se réclame Sandeep Reddy Vanga) manque cruellement de personnalité. Le montage est calamiteux, et rend l’histoire - pourtant assez simple - rapidement incompréhensible… Il y a éventuellement la musique qui comporte quelques mélodies agréables. Le film n’a même pas le luxe d’être une série B violente et stupide puisqu’il passe son temps à intellectualiser, du moins il essaye de le faire, la notion de “mâle alpha” et à souligner à quel point son personnage est violent et immoral. La seule scène où nous verrons vraiment cette idée mise en image est la scène de combat centrale évoquée plus haut. Et 15 minutes sur un film de 3h20, c’est peu.

 

Cependant, il faut sauver un élément : la performance de Ranbir Kapoor. Loin d’être un acteur que je porte très haut dans mon cœur, il reste un des plus gros noms du cinéma hindi actuel, et il trouve ici son meilleur rôle. A l’image de Shahid Kapoor et Vijay Deverakonda avant lui, il habite véritablement le personnage, lui donnant une présence et une intensité vraiment “animales”. Et malgré la faiblesse du scénario et de la mise en scène, on ne peut nier que sa prestance marque vraiment le film.

 

Il reste un dernier élément crucial pour décrypter le film : le rapport au père. Il s’agit de la chose la plus importante pour le personnage de Ranvijay : il ne laisse rien passer au-dessus de cela. A titre d’exemples, le mot “papa” est répété 196 fois dans le film, qui dure 201 minutes, et l’un des thèmes principaux du film s’appelle Papa Meri Jaan, soit littéralement “Papa mon amour”, ou “Papa ma vie” (de loin le plus agréable thème du film en termes de mélodie par ailleurs, on pourrait presque lui prêter une certaine sensibilité). Et ce qui aurait pu être le point d’un départ d’un noeud émotionnel intéressant - le père du héros (joué par Anil Kapoor, très bon comme d’habitude) n’étant que peu présent pour lui au début du film - ne devient finalement qu’un élément accessoire, ce qui ne sert finalement qu’à approuver le comportement intolérable de Ranvijay. Au fil du récit, l’obsession de ce dernier pour l’approbation paternelle va motiver nombre de ses actions, et la distance de son père va créer chez lui un profond besoin de reconnaissance. Il s’agit d’un terrain fertile pour explorer nombre de thèmes intéressants : attentes familiales, manque affectif, quête d’identité… Cependant, le film gâche ce potentiel en réduisant la dynamique père-fils à un simple dispositif narratif justifiant les actions violentes et misogynes de Ranvijay. Lorsqu’il devient père à son tour, malgré son comportement envers sa femme et sa maîtresse, tout lui est pardonné à la fin. Son propre père finit par lui accorder l’approbation qu’il a toujours recherchée, et son fils revient le voir même après que sa mère soit partie. Cette résolution minimise toute responsabilité morale, suggérant que l'approbation paternelle (la seule existant dans l’univers du film, la mère n’étant là que pour être spectatrice) absout de tous les péchés.

 

Le film aurait pu ainsi profiter de l’occasion pour examiner en profondeur le cycle de la masculinité toxique, comment celui-ci se transmet et peut perdurer. Au lieu de remettre en question les schémas destructeurs de son père, Ranvijay les perpétue et les empire, on peut penser à une scène de “débat” (absolument lunaire) entre lui et sa compagne autour du droit ou non de gifler sa femme, écho vraiment nauséabond à Kabir Singh. Cette approche du rapport père-fils reflète les problèmes plus larges du film : en ne tenant pas son protagoniste pour responsable et en allant jusqu’à récompenser ses actions par une réconciliation familiale, le message envoyé est pour le moins troublant sur l’acceptation de comportements toxiques d’une façon plus générale.

 

En conclusion, Animal c’est quoi ? C’est un film dramatique, à plusieurs niveaux. Je suis un amoureux du cinéma indien qui m’a fait pleurer avec Veer-Zaara, m’a bouleversé avec Devdas, m’a secoué avec Vikram… Et quand je me retrouve face à Animal, j’ai peur. J’ai peur parce que j’y vois le reflet d’idéologies qui m’inquiètent, projetées sur un écran et vues par des millions de personnes à travers le monde. Mais ce métrage provoque également en moi une fascination malsaine. Je l’ai vu deux fois, et en le revoyant pour écrire cette chronique, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que le film portrait peut-être en lui sa propre parodie. Il pousse tellement loin l’idée de “mâle alpha”, insiste tellement sur le fait que son personnage est le pinacle de la masculinité qu’il en fait vraiment trop. Et même en décrivant plusieurs scènes du film, il en reste tellement qui sont absurdes par leur non-sens : le demi-orgasme de Ranvijay lorsqu’il étrangle quelqu’un, la scène post-générique du film… Il pousse les curseurs à l’extrême et finit par en frôler la caricature. Peut-être est-ce là l’espoir que j’ai: que le film devienne une satire involontaire de ces idéologies, une œuvre qui, par son excès, finit par se retourner contre elle-même. Mais en attendant d’avoir la réponse à ça, peut-être dans Animal Park, teasé de façon ô combien prometteuse dans la scène post-générique, je ne peux qu’espérer que Animal sera un signal d’alarme, invitant à repenser les modèles que nous valorisons et les idéologies que nous laissons se propager.

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